• Au regard de l'actualité et du mouvement démocratico-populaire qui se déroule au Maghreb, j'ai voulu réfléchir sur ce phénomène humain et récurrent à travers l'histoire qu'est la Révolution (avec un grand R) :)

     

    Existe-t'il de bonnes révolutions?

    Honnêtement, j'en doute. A regarder l'histoire dans ses tréfonds les plus obscurs, on remarque que chaque événement subversif - ayant bouleversé l'ordre politique d'une société de manière définitive - n'a jamais aboutit à des situations d'équilibre et de stabilité.

    Prenons l'exemple des Révolutions d'octobre. La bourgeoisie russe puis les bolcheviks de Lénine prennent le pouvoir tour à tour mais pour des raisons conjoncturelles – la guerre civile – et structurelles – les menchéviks et bolchéviks, en somme tous les mouvements d'influence marxiste, se sont formés sur des bases révolutionnaires donc d'emblée violentes – la Russie,

    ou l'appareil politique soviétique, se transforme en un régime totalitaire et sanguinaire (Procès de Moscou, Goulag...). Autre exemple, plus familier, la révolution française de 1789. Elle se produit de manière à la fois brutale et attendue. Produit de l'exaspération du peuple et de l'avidité politique de la bourgeoisie française, elle aboutira à un régime de terreur qui durera plus de trois ans et qui se clôturera à la mort de Robespierre sur l'échafaud. En dernier lieu, on peut évoquer la Révolution islamiste de 1979 en Iran qui a conduit à l'instauration d'une autocratie liberticide et verrouillée.

    Au regard de l'histoire  on peut se poser la question de savoir si la révolution – bien qu'elle est le fruit d'idéaux porteurs d'espérance – n'apporte dans la pratique que des changements sociaux mélioratifs. Elie Wiesel – prix Nobel de la Paix de 1986 – affirmait dans son roman Otage , «  la Révolution [est] un terme noble, un mot sanglant ».

    Il soulevait toute l'ambivalence du phénomène. D'un côté, les modalités des révolutions et l'histoire effective qui les suit laissent penser au premier abord que dans certains cas l'ordre « premier » était préférable. Cependant, au delà des révolutions purement politiques, la vie quotidienne est parsemée de « micro-révolutions » comme l'opposition adolescente à l'autorité parentale. Partant de ce constat, on peut supposer que la Révolution dans le sens large du terme est un phénomène humain indispensable à la pérennité de l'homme et à son avenir.

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  • Un titre plein de promesses, promesses d'amour, de romantisme pour le film de Michel Gondry, réalisateur français, sorti en salles en 2005. Ce titre qui reprend un vers d'Alexander Pope est écrit tout en subtilité "le soleil éternel de l'esprit immaculé". Comme si à travers l'oubli apparent, le souvenir d'une passion passée ne ouvait pas s'effacer. L'amour éprouvé pour l'autre un jour ne peut cesser de chatoyer tel "the Eternal Sunshine"...

    Résumé (qui se veut quasi-exhaustif donc révélateur de moments clés :) ) du film:

    Clémentine et Joel s'aiment. Les jours passent puis la routine et la lassitude s'installent. Un beau jour, l'agacement mutuel, les ressentiments ont raison de leur amour. Sur un coup de tête, Clémentine décide d'effacer - grâce à au nouveau procédé innovant d'un certain docteur Howard - tout souvenir de son histoire avec Joel. Ce dernier l'apprend par hasard et, en colère, fait de même. L'essentiel de l'intrigue repose donc sur le processus par lequel Joel oublie chaque moment, chaque instant passé en présence de Clémentine. Cependant, au fur et à mesure qu'il remonte le cours de ses souvenirs, effacés l'un après l'autre, il réalise que l'amour éprouvé pour sa "tangerine" (surnom donné à Clémentine pour sa tendance à s'habiller en orange) est intact. Il prend conscience de la richesse de sa relation avec la jeune femme et décide de tout arrêter. Or étant endormi et engagé irrémédiablement dans le processus, il ne peut rien faire sauf essayer de "cacher" Clémentine dans un souvenir qu'elle n'a pas connu. Finalement, le dénouement est peu surprenant. Après avoir tous les deux effacés leur ancienne relation de leurs mémoires respectives, Joel et Clementine se retrouvent par hasard à Montauk, une banlieue de New-York, et retombent sous le charme l'un de l'autre. Mais un dernier obstacle surgit lors de leurs retrouvailles: une jeune secrétaire du docteur Howard (ayant elle-même fait appel aux soins de ce docteur car elle entretenait une relation avec lui) envoie à tous les anciens patients la cassette qu'ils avaient enregistré avant "l'opération". Cassette dans laquelle ils expliquent les motivations qui les ont poussé à effacer de leurs mémoires des moments importants de leur vie. Ainsi, par un concours de circonstances, Joel entend ce que Clémentine a dit sur lui et inversement. Les deux avaient évidemment proféré des paroles blessantes. Cependant, grâce à l'écoute des enregistrements chacun prend conscience qu'il est capable de surmonter les défauts de l'autre. Le film se clôture sur une scène dans laquelle les deux anciens (et futurs) amants se regardent dans les yeux et rigolent... L'histoire semble bien recommencer...

    Pourquoi The eternal sunshine of the spotless mind concentre-t'il une multitude d'intérêts qui vaillent qu'on le regarde?

    L'originalité du scénario:

    Un homme et une femme qui retombent amoureux une deuxième fois et ce après avoir chacun de leur côté effacer de leurs mémoires leur union passée; il fallait penser à un tel scénario! C. Kaufmann le scénariste et Michel Gondry, le réalisateur, l'ont fait. A notre plus grand plaisir! Effectivement, c'est réellement la marginalité touchante et même dramatique de cette romance qui émeut le spectateur, le bouleverse. Touchante car on s'identifie facilement aux deux personnages, tiraillés entre la haine et l'amour - c'est finalement le deuxième sentiment qui l'emporte. Dramatique car le film ne laisse rien présager de bon sinon l'oubli total d'une passion éraflée par les trivialités de la vie quotidienne ( l'un des membres du couple qui rentre tard, en l'occurrence Clémentine; les malentendus sur le comportement de l'autre; les désaccords sur l'évolution du couple etc... ). Mais cette romance reste par dessus tout impromptue car elle assemble deux êtres à priori totalement opposés...

    La rencontre de deux personnalités étrangères l'une de l'autre:

    Clémentine est le type même de la jeune femme lunaire, excentrique  et qui n'a pas peur du regard des autres mais qui a plutôt peur du malheur. Sa constante joie de vivre n'est qu'un masque qui cache des aspirations plus profondes comme le fait de fonder une famille. Un souhait qui contraste d'ailleurs de manière frappante avec son apparence presque imaginaire, "cartoonish" - tirée d'un dessin animé -  (Michel Gondry la caractérise très justement de cette manière): cheveux teints d'une couleur différente chaque jour; vêtements colorés, bariolés et fluorescents. D'ailleurs Joel s'empresse de lui faire remarquer l'impossibilité pour elle d'être mère. Remarque qui va montrer l'une des premières failles au sein du couple.

    En face, il y a Joel, homme reclus sur lui-même, peu bavard mais qui attendait la femme de sa vie. Celle qui viendrait dynamiser son cocon inerte. Il dit d'ailleurs à Clémentine "You saved my life!" Cette déclaration d'amour, qui dite une deuxième fois, lui fait prendre conscience de l'importance de Clémentine dans sa vie.

    A noter que le jeu des acteurs, remarquablement convaincant, est renforcé par l'incompatibilité entre le caractère des acteurs et les personnages qu'ils représentent. En effet, Kate Winslet qui joue Clémentine était plutôt connue dans des rôles sérieux, à la Joel (Titanic) au contraire de Jim Carrey qui lui est réputé pour ses rôles de comiques loufoques.

    Un film onirique:

     La part de fantastique du film et les effets spéciaux - comme par exemple la scène impressionnante où Joel et Clémentine se baignent dans un évier -  rendent le film réellement esthétique et agréable à regarder. The eternal sunshine of the spotless mind se contemple alors comme une oeuvre d'art dont la créativité nous laisse rêveur et satisfait, satisfait de ne pas avoir perdu son temps.

    Une réflexion philosophique: Oublier est-il dangereux?:

    Le sursaut de lucidité de Joel qui se rend compte de la grave erreur qu'il s'apprête à commettre montre l'importance des souvenirs dans notre vie car comme le dit un des acteurs qu'"ils soient bons ou mauvais, ils nous forment". Effectivement, tous les moments que l'on vit sont une partie de notre être, ils construisent notre identité. Sans eux, nous serions perdus dans le monde et n'aurions aucune raison de vivre car rien qui nous rattache à l'Humanité ( un réseau social, un travail, des centres d'intérêts etc...).

    Finalement le propre de l'homme n'est-il pas "d'être une histoire" (cf Lucien Maslon)? Autrement dit un être en perpétuelle évolution, ayant vécu des moments désormais passés mais qui ont bel et bien existés...?

     

     

     

     

     

     

     

     


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  • Littérature

     

    Une journée d'Ivan Dessinovitch:

    Un roman écrit par Alexandre Soljenitsyne(1918-2008)

    Publié sous Khrouchtchev dans la revue Novyi Mir en 1962, Une journée d'Ivan Dessinovitch de Soljenitsyne (lui-même prisonnier du Goulag entre 1945 et 1956) décrit avec une acuité hors du commun la journée d'un certain Ivan Dessinovitch Choukhov, détenu, ou zek, au sein d'un camp de travail forcé soviétique.

    Ce roman est une immersion précise et extraordinairement réaliste dans le système concentrationnaire soviétique et plus spécifiquement stalinien. Tout y est: le climat polaire inhospitalier, les travaux forcés harassants, la répression quotidienne -effectuée par les dirigeants du camp- qui installe un climat de peur perpétuel et enfin une description précise des moeurs et usages de cette microsociété qu'est le Goulag.

    Bref, c'est une plongée permise au lecteur dans un environnement inhumain où malgré tout l'être humain essaye de survivre....

     

    A l'image de Choukhov, c'est le portrait de milliers de zeks que Soljenitsyne dresse:

    Le lecteur au cours du récit fait la connaissance du personnage principal, Choukhov. Cet ancien paysan a été envoyé au fin fond de la Sibérie, condamné à dix ans de travaux forcés pour des raisons obscures. Tout comme la plupart des ses camarades d'ailleurs. Effectivement, C. a été accusé à tort d'avoir collaboré avec les Américains alors qu'au contraire il a été emprisonné par ces derniers. Pleins d'autres exemples viennent appuyés le fait que la justice soviétique était complètement arbitraire mais qu'elle répondait aussi à la logique implacable de l'idéologie soviétique. Des compagnons de C. ont par exemple été arrêté car ils étaient fils de koulaks (riches paysans russes) ou alors chrétiens ( c'est le cas d'Aliona, l'un des camarades de baraque d'I.D.C.) or on sait que l'Etat soviétique ne tolérait aucun culte en dehors de celui de Staline (le culte de la personnalité).

    Détenu depuis huit ans, C. a donc adopté malgré lui le rythme de vie du camp. La narration omnisciente permet de connaître les sensations et sentiments du personnage. On est alors frappé par sa force d'esprit: un mélange de résignation mais aussi d'espérance car C. sait que sa situation n'est pas près de changer mais chaque jour qui s'écoule le fait, certes de manière imperceptible, se rapprocher de l'échéance de sa peine. Et on comprend, nous lecteurs, que c'est cette force qui a permit aux zeks – au-delà de la résistance physique- de survivre à l'enfer des camps....

     

    Une microsociété hiérarchisée:

    L'analyse sociologique de l'univers des camps est menée de manière très judicieuse par l'auteur. La précision des descriptions rend compte de l'organisation subtile du camp qui dans des conditions extérieures évidemment différentes est à peu près la même que celle de la société libre. Tout d'abord , les détenus sont divisés en groupe différenciés par différentes fonctions. Il y a la «main d'oeuvre» - telle est l'expression d'I.D.C – qui désigne les détenus forcés au travail. Puis au rang supérieur ceux sont les brigades chargées de surveiller la main d'oeuvre. Celles-ci sont aussi composées de détenus. De nombreuses autres «qualifications» suivent. Puis, au sommet de l'organisation du camp ceux sont les apparatchiks, les cadres du parti qui contrôlent tout. De cette hiérarchisation découlent des rapports de force explicites auxquels sont soumis les détenus. Du simple brigadier au directeur du camp, tous les «représentants de l'ordre» font tout pour maintenir un halo de peur et d'appréhension autour de leur personne. ( C. évoque à maintes reprises les sanctions émises par le directeur du camp, Volkovoï, envers ses codétenus et ce en insistant toujours sur le caractère effrayant de cet homme). Chaque occasion de dérapage d'un zek est l'occasion d'un déchaînement de violence, omniprésente, sous la forme de coups de matraque ou même d'emprisonnement au BOUR - qui est une véritable prison dans la prison. Les zeks sont envoyés dans ce cachot en punition pour avoir mal répondu à un supérieur ou pour avoir mangé un gramme de trop au réfectoire. Parallèlement et de manière corolaire, une microéconomie se forme mais une économie biaisée. Effectivement, les zeks s'échangent entre eux des biens trouvés ou qu'ils ont obtenus en «graissant la patte» aux chefs, souvent du tabac ou de la nourriture comme un morceau de pain, «une miche». De plus, ils ont accès à certains services comme le coiffeur, les bains mais ce toujours en échanges de denrées - qu'ils ne peuvent que difficilement se procurer – et non d'argent car les détenus ne sont même pas rémunérés à l'issue de leur travail qui de surcroît est harassant.

    Enfin, pour parachever le tableau d'une journée au coeur du Goulag, l'auteur a écrit son récit - dans une logique de réalisme - entièrement en argot c'est à dire dans la langue des camps. C'est ce qui fait de mon point de vue l'ambivalence du livre, sa faiblesse et sa richesse. Sa faiblesse car l'écriture argotique rend le récit de fait plus hermétique, plus abscons – certaines phrases exigent parfois une relecture. Cependant, l'emploi du langage des zeks est ce qui fait du roman un chef d'oeuvre de précision, de réalisme et surtout d'humanisme. Car c'est un hommage aux millions d'hommes morts dans l'«Archipel du Goulag» que Soljenitsyne rend à travers Choukhov...

     


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  • Source d'inspiration inépuisable, le monde humain, à mes yeux, vaut qu'on lui consacre quelques minutes de notre précieux temps pour réfléchir sur son évolution et si celle-ci doit être acceptée ou remise en cause. C'est pour cela que les sujets de mon blog s'étaleront de la critique d''une oeuvre artistique (film, livre etc...) à des analyses de l'actualité...

    Cependant, ce blog n'a pas la prétention d'être un exposé de billets érudits. Je préviens donc  à l'avance de l'éventuelle maladresse ou naïveté de certains de mes propos... 

    En tant qu'humble observatrice de notre société, je partagerais donc avec vous "l'écho de mes rêves" ou plutôt l'écho que me renvoie le monde quand je prends le temps de l'écouter...ou de l'observer.

     


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